Accueil > La revue « Ou Païs Mentounasc » de la SAHM > Année 2007 - « Ou Païs Mentounasc » > N°123 Septembre 2007

La catastrophe du 24 avril 1952
Nous avons à plusieurs reprises évoqué les dramatiques circonstances de ce 24 avril. (voir n°61 du Païs Mentounasc). Que se passa-t-il ce jour là et en particulier dans la vallée du Careï ?
Ce 24 avril, la pluie ne cessait de tomber en averses si abondantes qu’il était devenu difficile de sortir et d’avancer dans les rues…
Cet aspect insolite de l’évènement devait céder la place à l’inquiétude, puis à l’angoisse quand retentirent les premières sirènes des voitures, quand les premiers bruits des éboulements tragiques des vallées arrivèrent autour de la mairie et du journal Nice-Matin…
Les faits…
Un craquement sinistre. C’est vers 17 h30 que la catastrophe commença de se réaliser dans le Val du Careï. Là, soudain, deux maisons se mirent à chanceler, il sembla qu’elles tombaient puis elles s’effondrèrent dans un craquement sinistre. Ceux qui assistèrent à ce spectacle crurent alors que la colline allait venir à eux. Ce glissement de terrain, par bonheur, n’était, si l’on peut dire, que superficiel.
Aux environ de 18 h30, dans le même secteur, un troisième craquement épouvantable retentit, c’était la villa des Corradi qui était précipitée dans le torrent.
En outre, la route qui longe la berge sur la rive gauche s’ébrécha. Tout un pan de mur s’abattit comme sous l’effet de quelques coups de boutoirs gigantesques. On put retirer de la masse de pierres un homme et une femme, grièvement blessés, qui suppliaient que l’on dégagea leur fille de 11 ans. Hélas ! La pauvre enfant était ensevelie…
Rentré à la mairie et renseigné d’une manière plus alarmante encore par un conseiller municipal qui revenait du Careï, le maire, M. Parenthou Dormoy, confirma à la préfecture la gravité de la situation, et se rendit immédiatement sur les lieux les plus avancés, avec l’ingénieur de la ville, M. Pascal Molinari.
A ce moment, les rues centrales de la ville étaient transformées en fleuves. L’Aquassoma, torrent canalisé en égout qui traverse la ville du nord au sud, venait d’éclater et tous les gros éboulements se produisirent dans toutes les vallées et notamment l’éboulement de la propriété Giordan (vallée du Careï) entraînant deux immeubles et causant la mort de 4 personnes. Un autre éboulement au Borrigo avait fait un mort.
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- Cette vision épouvantable montre l’ampleur de la catastrophe dans le Val du Careï
Le maire apprenait que le torrent du Careï avait emporté Mireille Taulaigo. Le gendarme René Levray, de la brigade de Menton, et d’autres personnes, ont tout essayé pour porter secours à la malheureuse avant de la voir disparaître dans la partie couverte du jardin Biovès…
Les victimes
On raconte comment trois morts ont été emportés par la boue. M. Jean Filippi était, de l’avis général, « l’homme le plus serviable de Menton ». Père de trois enfants, âgé de 40 ans, agent d’assurances de son état, il habitait loin du sinistre, près de la gendarmerie.
"S’il se rendit dans le Val du Careï, hier soir, c’est afin d’offrir son aide. On le vit monter au flanc du coteau pour aller secourir un ami en difficulté. Puis, tout à coup, une poche d’eau creva, juste au-dessus de lui ; quelques instants plus tard, un flot de boue l’emportait et allait le rejeter à cinquante mètres plus bas, dans le lit du torrent. Mlle Mireille Taulaigo, 17 ans, excellente nageuse sauva la vie des enfants Schimizzi avant d’être elle-même jetée dans le torrent et emportée jusqu’à la mer par les eaux tumultueuses, où elle a été recueillie par les marins d’un destroyer américain en rade de Menton. Hélas ! En dépit des soins qui lui furent prodigués, la malheureuse devait mourir vers 2 heures du matin à l’hôpital de Menton…
Les victimes de la catastrophe : Mlle Mireille Taulaigo, M. Jean Filippi, Mme Madeleine Mathiot, Mme Alexandra Sismondini, M. Mme Auguste Sismondini, Mme Giordan et sa petite fille Corradi, Mme Alunni (dont le corps a été retrouvé au large de l’île du Levant), M. Jagost, M. Charles Giordan (retrouvé 37 ans plus tard – août 1989 – enfoui à un mètre de profondeur à proximité de sa propriété).
Bilan dans le Val du Careï
C’est indiscutablement là que les dégâts furent les plus importants. Les témoins déclarent que, après avoir senti les premiers symptômes d’un glissement de terrain vers 14 h10, un immense éclair précédant un bruit formidable se sont produits vers 18 h. C’était la catastrophe.
L’épicerie du Careï a disparu. Là, 3 maisons ont été emportées, dont une de 2 étages qui a été coupée en plein milieu.
Les sauveteurs fouillent les décombres pour trouver les personnes qui pourraient avoir été prises dans le glissement.
Cent mètres plus haut, ce sont quatre maisons qui ne sont plus. Enfin, au nord du vallon, de nombreux glissements de terrain, ça et là, ont eu lieu mais aucune maison d’habitation n’a été atteinte.
A côté de malheureux qui ont péri ou qui souffrent, certains habitants du quartier ont eu moins d’ennuis.
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- La maision des Sismondini, projetée, a défoncé une partie de l’immeuble en bordure du Careï.
La famille Schimizzi habitant une des maisons qui ont été détruites : le mari était absent, les 5 enfants ont pu être sauvés, seule la mère a été hospitalisée.
Les causes
Les principales causes du sinistre résident dans la chute des pluies torrentielles des 3 derniers jours. Après une très longue période de sècheresse la terre s’était craquelée profondément. Lorsque l’orage violent s’est abattu au début de l’après-midi, des crevasses profondes se sont produites. La terre s’agglomérant sous forme d’avalanches a tout emporté sur son passage. Le déboisement qui a été opéré ces dernières années à Menton a contribué aussi à cette catastrophe…
Le pluviomètre de la station fut formel : 240 litres sont tombés sur 1 m2 de terre en 72 heures. Le ruissellement majeur est donc la seule cause des multiples éboulements, grands ou petits dans tout le secteur des grés de Menton.
Aucune trace de séisme insignifiant n’est observée nulle part. Le fait sera d’ailleurs confirmé par l’étude des enregistrements ultrasensibles de l’observatoire de Marseille…
Aujourd’hui les murs de grès ont fait place au ciment et au béton, les ruisseaux, les collines ont été drainés. La ville a incité à replanter des citronniers et l’arrachage des oliviers est interdit.
Les normes d’urbanisation respectées s’appuyant sur des études en profondeur de la Direction Départementale de l’Equipement ont permis de redonner aux lieux qui connurent la tragédie de 1952 de revivre pleinement. Aujourd’hui le quartier du Careï est l’un des plus urbanisés de la commune.
Ginette OLIVESI-LORENZI
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