Accueil > Un petit tour dans nos anciens « Ou Païs Mentounasc (...) > Année 2008 - « Ou Païs Mentounasc » > N°128 Décembre 2008

Les Britanniques sur la Riviera française
Amis britanniques, promenez-vous, en flânant, dans Menton et vous rencontrerez des noms qui ne vous sont pas étrangers : la Reine Victoria, le Prince Edward VII, le Roi George V, James Henry Bennet, James Bruyn Andrews, Gordon Bennett, Saint-John’s, Britannia, Carlton, Westminster, Balmoral, Bristol. Sans compter les Iles Britanniques, Londres et le Prince de Galles…
Sachez que depuis un siècle et demi les Britanniques constituent un élément important de notre population et qu’ils ont fortement influencé quelques aspects de notre cité.
Depuis que le rocher de Gibraltar est devenu un des bijoux de la Couronne d’Angleterre (1704), c’est en qualité de marins que les sujets de sa gracieuse Majesté ont commencé à fréquenter notre région. Alliés du roi de Sardaigne, ils fréquentent le port de Villefranche-sur-Mer et leurs bâtiments croisent dans nos eaux tout à loisir.
Puis c’est le tour de ceux qui se lancent à l’aventure sur les routes du Sud, ceux qui, comme l’a écrit Boswell en 1776 sont toujours conscients d’une infériorité… s’ils n’ont pas vu les rivages de la Méditerranée. C’est l’époque du Grand tour, qui permet aux membres de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie de connaître le vieux continent, lors de voyages de plusieurs mois, à condition de se priver de steak and kickney pie et de crumbles.
Ils apprécient tant les flots bleus que lorsque Lord Camelford, cousin de William Pitt, vient en 1788 séjourner à Menton, au palais Carnolès, invité par notre prince Honoré III. Nice est déjà une watering-place.
Un autre argument en faveur de Menton, est avancé au XIXe siècle par les médecins, français et anglais : la douceur du climat, l’air marin, l’absence de pollution industrielle offrent alors des conditions idéales pour soigner des organismes fatigués ou des poumons malades.
C’est pour venir mourir dans un coin tranquille que le docteur James Henry Bennet vient à Menton en 1859. Là, il s’enthousiasme pour ce merveilleux pays dont l’excellent climat lui permet de retrouver la santé, au point d’en chanter les mérites dans de nombreux ouvrages qui paraissent entre 1861 et 1891, en anglais, français, allemand, hollandais. Membre de l’Académie Royale de Médecine de Londres, il avait poursuivi ses études à Paris. Curieux de (presque) tout : le climat, la géologie, la botanique, grand voyageur autour de notre Mare Nostrum, il peut se permettre de comparer les climats de la Méditerranée et de conclure qu’on ne peut mieux choisir que… Menton. Nous devons le considérer comme le fondateur de la station médicale, qui est déclarée, un an après sa mort en 1892, station touristique la plus moderne de France du point de vue de l’hygiène publique.
Un événement important intervient après 1860 : l’annexion à la France du Comté de Nice, des communes monégasques de Menton et, de Roquebrune, ainsi que du quartier vintimillais de Garavan.
- l’hôtel des Anglais à l’angle de la Porte de France et de l’avenue Laurenti à l’emplacement actuel de la résidence Le Marly
Un deuxième acquis capital : l’arrivée du chemin de fer, en 1868, qui permet de ramener la durée du voyage depuis Londres de seize jours à trente heures. Un troisième enfin : la construction du port qui permet de recevoir des navires de haut bord.
Grâce à l’impulsion donnée par le docteur Bennet, Menton s’équipe pour recevoir des malades venus du monde entier, des lieux d’accueil bien entendu, mais également tout ce qui peut servir une population qui double, puis triple la ville durant la saison d’hiver, du début septembre à fin avril. Mais les malades ne viennent pas seuls, ils sont accompagnés de leurs familles et de leurs domestiques ; des médecins, des infirmières, des employés de maison, des dames de compagnie, des professeurs de dessin et de musique venus de tout l’Empire britannique et de toute l’Europe prennent soin de tous ces malades.
Certains s’installent, tels les médecins Samways et Siordet, ou le révérend Morgan, pasteur anglican ou encore M. Willoughby, épicier, agent immobilier et pourvoyeur de main-d’oeuvre.
Ces malades arrivent quelquefois à la dernière extrémité et les cures de soleil ne sont pas suffisantes pour guérir la tuberculose ; le cimetière du Vieux château est témoin de ces souffrances : les tombes de John Richard Green, auteur de History of England, d’Audrey Beardsley, ce dessinateur de génie, de William Webb Ellis, le pasteur inventeur du jeu de rugby en témoignent. Robert Louis Stevenson, patient de Bennet, fait deux séjours dont un à l’hôtel Prince de Galles. La liste des visiteurs malades serait bien longue, mais heureusement, beaucoup repartent sains et saufs après une saison à Menton.
Le quartier de Garavan est le lieu de prédilection des Britanniques : le docteur Bennet, sa nièce Mme Hearn, au château Saint-Louis, M. Henfrey au Chalet des Rosiers. D’autres préfèrent la baie Ouest tel Charles Doridant, qui rachète le domaine princier de Carnolès et qui restaure le palais, actuel musée d’art. C’est dans le Chalet des Rosiers que la Reine Victoria vient séjourner en 1882 accompagnée d’une longue suite. Cet événement, commenté dans le monde entier, fait connaître la station climatique de Menton.
Nous pouvons considérer qu’une nouvelle période a commencé avec l’aménagement du Careï et la construction du Kursaal, l’actuel Palais de l’Europe, en 1895. Ainsi, de petite ville quasi médiévale qu’elle était en 1860, Menton peut, à la veille de la Grande guerre, remercier ses amis britanniques qui ont fortement contribué à en faire La perle de la France.
Car ce n’est plus seulement des malades qui se pressent sur les chaises longues de la promenade, Menton et ses environs offrent à peu près tout ce qu’un britannique jeune et aisé peut souhaiter : un patrimoine d’accueil touristique impressionnant et la possibilité d’exercer au grand air des activités sportives et de loisir.
Certes, la British Colony a sa vie un peu à part dans la cité des citrons. Les Britanniques continuent à n’utiliser que leur langue ; ils fréquentent les églises anglicanes et presbytériennes ; ils ne fêtent pas les mêmes événements que les Français ; ils préfèrent le thé au café et le beurre à l’huile d’olive ; ils pratiquent le sport, tel le tennis, le criquet, la voile, l’équitation, le golf ; ils ont un cabinet de lecture pourvu de livres et de journaux anglais ; ils tiennent pour bizarre tout ce qui est différent, y compris la langue française, le dialecte mentonnais ainsi que toutes les coutumes et traditions locales. Ce particularisme et les effets qu’il entraîne dans la vie locale est décrit d’une manière amusante par Charles Yriate dans un article qu’il publia en 1967 dans « le monde illustré » : Menton est un bourg anglais, les insulaires sont là chez eux, les enseignes sont écrites en Anglais et les pharmaciens étalent des bocaux de dimensions monumentales aux armes d’Angleterre.
La première chose qui frappe les regards en entrant dans la ville, c’est un champ dont l’aire est bien battue, planté de petits obstacles en fer pour le jeu de criquet ; les hôtels s’appellent d’Angleterre, de Grande Bretagne, des Anglais, de Londres, Victoria…. ; les magasins regorgent de bières anglaises, de vins chers aux Anglais, de poitrines d’oies fumées, de jambon d’York, de sauces rouges, vertes, bleues que l’on devine dans les bocaux à étiquettes « Dieu est mon droit », et qui sont destinées aux fils d’Albion"… Cette description est bien sûr exagérée, souligne toute fois l’importance de la présence anglaise.
Mais leur appétit de curiosité profite largement à notre région, et ce dans les domaines les plus divers. Ils sont à l’origine de la création du terrain de tennis et de l’hippodrome. Grands amateurs d’air pur, ils sont nombreux parmi les excursionnistes qui n’hésitent plus à escalader les sommets pour trouver des sensations nouvelles, ou pour examiner ces inscriptions rupestres du Mercantour inventoriées par Clarence Bicknell.
Bennet, Hanbury créent des jardins prestigieux, enrichis de plantes originaires des quatre coins du monde. Ils étudient la flore locale, tel Moggridge, mais aussi recueillent les contes et étudient le dialecte, tel Andrews ; ils peignent les paysages et les personnages, tel Richards ou Burrington ou Alfred Newton ; ils restaurent des monuments, tel William Ingram pour le château de Roquebrune. Et ils publient des guides, des impressions de voyage, quelquefois de vrais reportages qui nous sont fort utiles aujourd’hui pour retracer la vie de ce demi-siècle de la Belle Epoque qui a précédé la première Guerre mondiale.
Les bouleversements que l’Europe a connus au début du XXe siècle ont des conséquences importantes pour Menton où peu de familles peuvent encore se permettre de venir passer six mois par an pour profiter des belles journées d’hiver.
Cependant de nombreux Britanniques continuent à apprécier les rivages de la Riviera devenue Côte-d’Azur.
C’est chez lord Mountbatten, Vice-Roi des Indes, au Clos du Romangris, que Agatha Christie écrit son premier roman. Lord Radcliffe, ancien gouverneur de Malte, fait construire la villa Val Rameh, reprise plus tard par Miss Campbell, fille du docteur Campbell, installé à Menton dés 1892. C’est le découvreur du Népal qui fait construire la villa Hymalaya.
La famille Waterfield aménage le luxuriant jardin du Clos du Peyronnet. Katherine Mansfield, la romancière néo-zélandaise, a vanté les charmes de Garavan à la villa Isola Bella. D’autres écrivains, tels Richard le Gallienne, ou Virginia Woolf, ou le prix Nobel irlandais Yeats, ont écrit à Menton, ou à Roquebrune… Certains de nos hôtes ont été des bienfaiteurs de notre commune, ainsi Jane Whitney, qui se pencha sur les misères des victimes de la Grande guerre, ou Cochrane, dont la villa est devenue l’actuel Conservatoire de musique. La villa Maria Serena est un don de König. Et c’est à Wakefield-Mori que le Palais Carnolès doit une grande partie de ses collections d’œuvres d’art.
Lord Winston Churchill réside longtemps au Cap-Martin, et c’est Eileen Gray, la grande architecte irlandaise, qui réalise sa villa Tempe a Païa , rachetée plus tard par le peintre Graham Sutherland.
Nous n’avons pas cité tous les Britanniques qui ont apporté à Menton leurs savoirs et leurs générosités, mais que nos visiteurs et nos hôtes sachent que nous leur savons gré d’avoir participé à l’image de notre cité.
Extrait de l’Exposition
Planet Rugby-Palais de l’Europe,
1er août-30 novembre 2007
bergio
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