Société d’art et d’Histoire du Mentonnais
LE COIN DU MENTOUNASC DANS NICE-MATIN

Le savetier et le téléphone, un texte de G. Costa

« Ou groulìe e ou teléfonou », Revirada en mentounasc
dimanche 13 novembre 2022

LE SAVETIER ET LE TÉLÉPHONE
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Ecoutez bien cette petite histoire. C’était l’époque où le téléphone public a été installé. On ne parlait plus que de ça et chacun faisait son commentaire.
A cette époque, le fils de Paulou, le savetier, faisait son service militaire sur le Continent. Un jour, il demanda par lettre à son père une paire de gros souliers cloutés, parce qu’on lui avait volé les siens, et de les lui envoyer le plus vite possible par la poste. Paulou en avait une paire déjà toute prête ; il ne restait plus qu’à placer les clous. Il se mit aussitôt à les terminer et il dit à sa femme : « il serait honteux, aussi pour les gens, que le fils d’un savetier soit pieds nus un jour de plus. Ecoute un peu, ô Catarina ! Les gros souliers sont prêts mais, si au lieu de les donner au facteur nous les mettions ce soir, au tomber du jour, sur les fils de ce téléphone : l’envoi ne nous coûterait rien et, en plus, elles arriveraient plus vite. Il paraît que ça fonctionne encore mieux et plus rapidement si c’est loin ».
Alors, le soir, Paulou et sa femme portèrent les chaussures à la sortie du village parce qu’il y avait une bigue à côté d’un chêne et, de cette façon, on pouvait escalader aisément jusqu’au plus haut. Tandis que Catarina l’éclairait avec la lanterne, Paulou disparaissait dans le chêne et accrochait les gros souliers à une de ces tasses endommagées qui tiennent les fils et qui sont pratiques pour essayer les frondes et les pistolets. L’affaire accomplie, nos nigauds vont dormir heureux comme des poissons dans l’eau.
Vers quatre heures du matin, Santounin, le mendiant vagabond, allait tranquillement dans la fraîcheur, son pique-nique à l’épaule et suçotant un bout de bois. De loin, il a vu les grosses chaussures. Les siennes, depuis qu’il les porte dans tous les chemins, n’en peuvent plus.
« Ô, quel miracle ! Celles-là, c’est la Madone qui me les envoie », pense à haute voix Santounin le mendiant. Aussitôt, sans même poser le pique-nique, il est en haut du chêne, il descend les gros souliers et les essaie. Ils sont un peu larges pour lui mais il ne dit rien et s’en va en les faisant grincer. Se retournant avant de dépasser le tournant, il fait un signe d’adieu et de compassion à ses vieilles « groules » qu’il a laissées au pied du poteau après en avoir ôté les lacets en cuir toujours en bon état.
Paulou, le radin, lui, avait guetté le lever du jour pour aller se rendre compte si les gros souliers de son enfant étaient partis. Il se lève au point du jour et court voir. « Ô, quel miracle ! » s’écrie-t-il lui aussi, « mais oui ! Quelles inventions ! Les gros souliers sont réellement partis. C’est incroyable ! Et même les vieux sont revenus de là-bas, pardi ! » Et le soir tout le saint pays a été au courant et en a fait des occasions de rire.
Texte de G. Costa, traduit par Jaume Pietri

OU GROULÌE E OU TELÉFONOU

Scouté ben aquesta stòria. Ent’aquelou moument, ou filh de Paulou, ou groulìe, fasìa ou sourdatou sus ou Countinent. Un jorn, pèr letra, ha demandà ente soun pàire, un parelh de scarpe choudelàie perqué re soue eran stache raubàie, e de mandà-re-ri per ra posta au pu vitou. Paulou ‘n avìa un parelh dejà toute prount ; nou stasìa pù que de méte-ri u pichou chodi. S’ese metù sùbitou au travalh pèr fenì-re e puhi ha dich ent’à soua moulhé :
« Serìa vergougnous, tamben per ra gente, qu’ou filh d’un scarparou siegue pé descausse, un jorn de mài. Stài à scoutà-me un poc, ô Catarì ! Re scarpe choudelàie san prounte ma, se enveche de dounà-re ent’ou fatoù re metessan sta sera, au tramount, susa u fì d’aquelou teléfonou noun cousterìa pa ren pèr mandà-re e, de mài, arriberìan pù vitou. Pareishe que camina encara mielhe s’ese pèr anà luegn. »
Aloura, ra sera, Paulou e sa moulhé han pourtà re scarpe nove à ra sourtida dou païs perqué i era una biga dapé un rouhe e, aishì, poureria scaradà fachilamente fint à ra pouncha. Dou temp que Catarina ri fasìa lume dame ou fanà, Paulou ha despareishù ent ou rouhe e ha pendù re scarpe ente una d’aquele tasse scagassàie que tenan u fì e que san pràtique per provà re freche e tamben re pistole. R’afaire coumpìa, u noaishe gnoqui s’en van à durmì tout erouse couma u peishe ente r’aiga.
Vers e quatre oure da maten, Santounin, ou mendicant vagabounde, s’en anava pian-pianin ente ra frescoù, ou sen diernà s’a spala, mastegounent un chicou de brug. Da luegn ha vist re scarpe choudelàie. Re soue, despuhi que se re stirassava pèr tout u camì, n’en pourìan pù.
« Ô, aquelou de miràcoulou ! Aqueste, es ra Màia Vergine que me re ha mandàie », pensa à vousa foarta, Santounin, ou mendicant. E tout ent’una vota, sensa pilhà temp de pausà ou sen past, es en cima dou rouhe, cara re grosse scarpe e se re prova. San un poc lergue ma noun dì ren e s’en va en re fasent scrushà. Se girent au moument de passà ou virou, fa un segn d’adìou e de coumpacian per re soue vielhe groule qu’elou ha laishà à u pe da biga apréss avé-ri levà re strengue de cuhe encara boane.
Paulou, r’avarou, elou, avìa asperà que faguesse jorn pèr anà à se rende cuenti se re scarpe dou sen pichan eran ben partìe. Se leva au fà dou jorn e courre pèr vé. « Ô, un verou miràcoulou ! » ralha elou tamben, « E shi ! Bele envencioù ! San ben partìe re scarpe. Diàu ! San fint vengùe re vielhe d’ailà, eh moùscoura ! » E ra sera tout ou païs-sant ha saupù e vaga da ri…
Revirada Solange Mongondry Barberis


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